Canal corridor écologique | Newsletter 07 | octobre 2021
   
 
La Cigogne blanche, un hôte atypique du canal à Bruxelles

© Yann Coatanéa
Depuis plusieurs années, des Cigognes blanches fréquentent les abords du canal au nord de Bruxelles, singulièrement sur le site de tri de déchets de Sita-Suez à Neder-Over-Heembeek, en aval du pont Buda. Provenant en bonne partie du zoo de Planckendael situé à une dizaine de kilomètres à vol d’oiseau, elles y trouvent... de quoi manger!

Cet échassier qui mesure de 95 à 110 cm apprécie les zones ouvertes et dégagées comme les plaines bordant les cours d’eau. La majorité des oiseaux sont des migrateurs, qui quittent nos régions au mois d’août pour rejoindre leurs quartiers d’hiver en Afrique. Ils reviennent en mars pour retrouver leurs zones de reproduction. Chez nous, certaines cigognes, comme celles du zoo de Planckendael, sont sédentarisées. La Cigogne blanche peut s’adapter à de nouveaux habitats. Elle niche souvent près des humains, et devient familière si on ne l’effraie pas. Son nid est composé de branchages, sur le toit des maisons, les clochers, les poteaux, et parfois les arbres.

Aquiris © Yann Coatanéa
Attentive à la présence de cet oiseau le long du canal, l’association Bruxelles Nature décidait en 2015 de lancer le ‘Plan Cigogne’ avec l’installation de deux plateformes garnies de branchages sur le site d’entreprises riveraines du canal (Aquiris et Solvay) au nord de Bruxelles, dans l’espoir d’y accueillir les premiers cigogneaux bruxellois. Une troisième plateforme est actuellement en projet sur le site de la Ferme Nos Pilifs, à Neder-Over-Heembeek toujours, et une réflexion est en cours sur la possibilité d’en installer une quatrième en bordure directe du canal, sur le site de Sita-Suez.







Observations des cigognes ‘bruxelloises’ pour la période 2013-2021

Ces cigognes ont fait l’objet de nombreuses observations de la part d’ornithologues amateurs ou avertis, qui ont souvent été encodées sur le site internet observations.be/waarnemingen.be, un portail reprenant des données d’observations naturalistes en Belgique, et géré par les associations Natagora et Natuurpunt. En juin 2021 paraissait, pour un public spécialisé, un article rédigé par le naturaliste et membre de Natuurpunt Koen Steenhoudt, synthétisant le résultat des observations de la Cigogne blanche le long du canal au nord de la Région bruxelloise pour ces huit dernières années. En voici un extrait:

© Yann Coatanéa
La nouvelle cigogne grammontoise baguée ‘GEEL-1953’, qui séjourne dans la région de Grammont depuis le 25 mars et qui a déjà construit un joli nid de base sur un peuplier cassé, a fait quelques déplacements remarquables. Les 9 et 14 mai, cette cigogne qui est dans sa 3ème année d’existence a été signalée sur une décharge le long du canal de Bruxelles, à 36 km de son nid, dans une direction qui se trouve parfaitement dans l’axe de son trajet migratoire. Bien qu'on l’ait observée moins souvent, elle était à nouveau en poste à Idegem entre ces deux dates, le 12 mai. C’est donc un navetteur, qui semble très bien savoir d'où il vient et où il veut aller. Les cigognes ont probablement une carte topographique dans la tête, avec tous les endroits qu'elles ont visités, et elles l'utilisent pour naviguer avec une destination précise en tête, que ce soit en route vers le sud de l'Europe ou plus loin, ou à la recherche de zones de nourriture connues et intéressantes. En tant que cigogne de Planckendael, la ‘GEEL-1953’ a probablement appris à connaître très rapidement les sites le long du canal. Après tout, ceux-ci ne se trouvent qu'à 9 km de Planckendael et sont en plus situés idéalement sur la route migratoire du sud-ouest.

Pont Buda © Yann Coatanéa
Ma curiosité éveillée, j'ai fait quelques recherches sur le site waarnemingen.be concernant les observations sur les sites de déchets le long du canal à Bruxelles. En effet, il y a un observateur régulier qui scrute les lieux presque chaque semaine. Au cours de la période 2013-2021, 149 cigognes différentes ont ainsi été enregistrées de cette manière. Il ne s’agit sans doute que d’une fraction du nombre réel, mais c’est toujours un joli nombre à analyser.

Un premier graphique montre la répartition de ce nombre par région de naissance, que nous pouvons facilement déduire à partir des codes de bagues de la plupart des oiseaux. Nous constatons que la majorité (126) est née à Planckendael. Il est frappant de constater que sur les 23 oiseaux restants, la majorité vient de l'étranger, à parts relativement égales entre les Pays-Bas, l'Allemagne et la France. Pour bon nombre de cigognes néerlandaises et allemandes, ces sites se trouvent sur la route de migration. Il est possible que les oiseaux français et les quelques oiseaux belges nés plus au sud découvrent les sites de déchets à leur retour et rejoignent des oiseaux de Planckendael, des Pays-Bas et d'Allemagne, qui connaissent bien ces mêmes sites.



Le graphique suivant ne concerne que les cigognes de Planckendael. Leur baguage de couleur nous permet de déduire en quelle année elles sont nées, de sorte que nous pouvons calculer dans quelle année civile elles se trouvaient au moment d'une observation. Dans le graphique, nous représentons sur l'axe horizontal les années civiles et sur l'axe vertical le nombre de cigognes différentes qui ont été observées sur la décharge au moins une fois au cours de cette année civile (bleu). A côté de cela, nous représentons le nombre de ces cigognes qui ont également été vues l'année suivante (orange).



Il est frappant de constater que la plupart des observations concernent des oiseaux dans leurs premières années civiles. À partir de l'année civile 6, non seulement les Cigognes blanches sont moins nombreuses à visiter les sites (bleu), mais leur fidélité à ces sites diminue également (orange).

On peut supposer que les oiseaux qui en sont à leur sixième année civile se sont non seulement établis, mais se sont aussi de plus en plus attachés à leur zone de nidification, qu'ils connaissent désormais comme leur poche, de sorte qu’ils savent exactement où trouver de la nourriture en toutes circonstances. Souvent, nous voyons même des oiseaux plus âgés abandonner complètement leurs habitudes migratoires et devenir des oiseaux sédentaires. Il est donc possible que les oiseaux qui se reproduisent avec succès préfèrent rester à proximité de leurs propres sites de nidification et abandonnent les sites de déchets le long du canal.


Avec mes remerciements à Maurice Segers, sans les innombrables observations duquel ce tour
d'horizon n'aurait pas été possible.
(source: Koen Steenhoudt, juin 2021)


Escaut sans Frontières, octobre 2021
Nos remerciements à Koen Steenhoudt

 

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