Pays-Bas: Atteindre les objectifs
de la Directive Cadre Eau plus intelligemment

L'entrée en vigueur de la Directive-cadre sur l'Eau a remis la gestion écologique de l'eau à l'ordre du jour. Il en résulte une amélioration de la qualité écologique de nombreux milieux aquatiques. Mais pour enregistrer de véritables avancées dans ce domaine, des efforts supplémentaires restent indispensables. Les objectifs et les mesures prises pour les réaliser ne concordent pas toujours et la mise en oeuvre de ces dernières prend du retard. Une réévaluation de ces objectifs et de ces mesures peut s'insérer dans les plans de gestion de district hydrographique de deuxième génération. Le nombre d'instruments et de connaissances à notre disposition pour ce faire a par ailleurs augmenté. Mais nous n'y sommes pas encore. Les signataires du présent article demandent que soit repensée la répartition du budget réservé à la DCE en fonction de l'efficacité des mesures mais aussi de leur faisabilité concrète et financière.

Pour réaliser les objectifs qu'ils se sont fixés dans le cadre de la DCE, les Pays-Bas ont défini des mesures pour un montant approximatif de quatre milliards d'euros. Celles-ci comprennent un grand nombre de mesures d'aménagement comme la restauration des méandres de cours d'eau et la création de rives écologiques le long de canaux et de voies navigables. Les gestionnaires de l'eau se retroussent maintenant les manches pour mettre ces mesures en oeuvre. Force est pourtant de constater qu'une partie de ces investissements ne contribuent pas à la réalisation de ces objectifs écologiques. L'analyse coût-bénéfice de la STOWA (Stichting Toegepast Onderzoek Waterbeheer - fondation pour la recherche appliquée dans le domaine de l'eau) montre que les mauvais investissements représenteraient près de 15 % du budget total1 . D'où vient cet écart entre objectifs et mesures et que pouvons-nous faire pour le résorber?


Les objectifs ne seront pas atteints

Tout d'abord, les objectifs de bon potentiel écologique (GEP - Goed Ecologisch potentieel) sont définis à l'aide de nombreuses informations fournies par des spécialistes. Ensuite, ces objectifs sont couplés à des mesures spécifiques. Durant la période 2006-2009, cette méthode fut la seule utilisable étant donné qu'on ne disposait pas d'instruments corrects pour réaliser une approche quantitative. L'évaluation antérieure de la DCE par le PBL (Planbureau voor de Leefomgeving - agence néerlandaise d'évaluation environnementale)2 et 3 a montré que nous ne sommes pas en mesure de réaliser tous nos objectifs sur base de l'ensemble des mesures définies. Le manque de connaissances sur le système aquatique et l'efficacité des mesures en sont les causes principales. La base soutenant cette constatation réside dans l'Expertsysteem Ecologische Effecten (EEE2 - système expert des effets écologiques). Depuis, cet instrument est également utilisé au niveau régional par quelques organismes chargés de la surveillance des eaux4.

L'aménagement d'une dérivation supplémentaire
(seulement utilisée en cas de fortes crues) aux
ouvrages d'art, permet la migration des poissons
et se transforme en marais le reste du temps
(photo: Hans de Mars, Royal Haskoning DHV). .
Ces analyses détaillées confirment également que tous les objectifs ne sont pas réalisables sur la seule base des mesures actuelles. Ces dernières comportent principalement des mesures en matière d'aménagement de systèmes aquatiques, alors que d'autres facteurs déterminants, significatifs d'un point de vue écologique, sont mis de côté. Des combinaisons équilibrées de mesures sont loin d'être proposées partout. Le déficit d'attention concerne surtout des domaines tels que la gestion du niveau des eaux, pour laquelle une approche plus naturelle serait nécessaire et l'entretien écologique (fauchage et dragage). La recherche de solutions à l'eutrophisation prend également du retard dans de nombreuses masses d'eau. Les mesures d'aménagement n'atteignent donc que partiellement leurs objectifs en terme d'efficacité.


'Bruxelles' regrette le manque d'ambition

Bien que les Pays-Bas consacrent d'importants moyens financiers à la mise en oeuvre de ces mesures, 'Bruxelles' se montre insatisfaite de leur manque d'ambition. Un précédent article d'H2O5 abordait trois points essentiels en la matière:
  • Notre principale démarche consiste à reconvertir d'anciennes mesures en mesures DCE.
  • Les Pays-Bas se distinguent par des normes trop élevées de présence d'azote dans les ruisseaux, peu de masses d'eau naturelles, etc.
  • Nous nous concentrons surtout sur les masses d'eau au détriment des eaux restantes.
Bien que ces critiques ne soient pas tout dénuées de fondement, il convient à notre avis de leur opposer quelques remarques. Par exemple, le nombre élevé de mesures de réaménagement prévues pour l'entrée en vigueur de la DCE limite le nombre de mesures supplémentaires qu'il est possible de formuler. La simple mise en oeuvre des mesures prévues a en effet monopolisé une partie importante du budget. Le fait que les Pays-Bas ne possèdent que peu de masses d'eau naturelles n'est pas non plus étrange compte tenu de la forte densité de population. En outre, l'Europe fait appel à l'intercalibration pour uniformiser les objectifs de ses États-membres, ce qui a notamment pour effet un renforcement des normes en matière d'azote dans les cours d'eau naturels. Enfin, l'attention accordée au groupe important des masses d'eau plus petites s'est accentuée, si bien qu'un cadre pour ces objectifs et des étalons pour les mesurer sont en cours de préparation. Malgré tout, 'Bruxelles' continuera de suivre d'un oeil critique les Pays-Bas et les autres États-membres tout au long de l'implémentation de la DCE.


Les mesures ne seront pas pleinement mises en oeuvre

Nous l'avons vu, les mesures décrites ne correspondent pas toujours aux objectifs qu'elles poursuivent. De plus, la concrétisation des mesures planifiées se heurte à des obstacles liés à la crise financière et les intérêts politiques. De nombreux projets n'ont pas démarré pour divers motifs: gel des subsides décidé par les provinces, échec des décisions d'achat de terrains, manque de soutien administratif et sociétal. Une partie des mesures reste donc lettre morte et l'ensemble du budget présenté à 'Bruxelles' n'est pas dépensé, ce qui met en danger l'obligation de résultats.


Pistes de solution

Selon nous, afin de faire face à tous ces défis, plusieurs pistes de solution existent. Le premier plan de gestion de district hydrographique arrive à échéance en 2015. Cette approche, basée sur une définition d'objectifs en fonction de normes d'efficacité des mesures et l'obligation de résultat qui va de pair, était neuve et n'a pas encore permis de définir la juste combinaison entre objectifs et mesures à prendre. Les gestionnaires ont cependant la possibilité de revoir leur copie pour le deuxième plan de gestion de district hydrographique. Il faut absolument que ceux-ci fassent mieux coïncider leurs objectifs avec les spécificités du système aquatique concerné et optent pour des mesures adaptées à chaque situation. Les instruments développés ces dernières années ('KRW-Verkenner' associé au EEE24 ainsi que le 'Volg- en Stuursysteem'1) permettent désormais de mieux évaluer l'efficacité des mesures et donc de mieux quantifier les objectifs.

Les préparatifs du deuxième plan de gestion de district hydrographique sont petit à petit mis en route. C'est donc le bon moment pour réfléchir à la meilleure manière d'investir les budgets. De notre point de vue, il est essentiel de déplacer l'accent sur d'autres types de mesures et de développer davantage de connaissances sur le système afin de définir les bonnes mesures et les bons objectifs. Outre la mise en oeuvre de coûteuses mesures de réaménagement, nous pourrions investir une petite partie du budget à meilleur escient. Nous pouvons empêcher de nombreux désinvestissements en calculant au préalable l'efficacité de chaque mesure. Libérer un budget pour la diffusion d'informations ciblées permettrait d'accroître le soutien à ces mesures et de susciter un changement de comportement. Il ne faut pas se contenter de sensibiliser agriculteurs et horticulteurs à l'utilisation d'engrais et de pesticides, mais aussi encourager ce changement au sein des organismes chargés de la surveillance des eaux, tant au niveau des fonctionnaires que des instances dirigeantes. Si nous agissons intelligemment, nous parviendrons à réduire nos coûts et à réaliser des objectifs plus ambitieux.

Cette approche se traduit d'ores et déjà dans quelques exemples pratiques:
  • L'adaptation pour les poissons d'une écluse au nord de Groningen par le gestionnaire a permis à un nombre accru de poissons de migrer, cela sans surcoût et sans effet secondaire négatif.
  • Une dérivation naturelle aménagée pour contourner un barrage ou un moulin et uniquement utilisée en cas de nécessité permet aux poissons de franchir l'obstacle sans mesure de génie civil hors de prix. Le reste de l'année, cette dérivation se transforme en marais (voir photo). Elle possède donc une forte valeur ajoutée du point de vue écologique.
  • Plusieurs recherches innovantes dans le cadre de la DCE ont permis de définir des nouveaux moyens d'éliminer les phosphates (pièges à boues et assèchement) nécessitant moins de surfaces.
Bien qu'ayant multiplié nos connaissances en la matière au fil des ans, nous ne sommes pas encore au bout de nos peines. L'argent du 'Leven met Water' et du 'KRW-innovatiefonds' (fonds d'innovation DCE) a été dépensé mais le développement des connaissances n'est pas terminé. Le programme 'Watermozaiek' de la STOWA a utilisé le budget alloué par le KRW-innovatiefonds pour tester dans la pratique un certain nombre de nouvelles mesures avec des résultats très prometteurs à la clé comme l'assèchement temporaire de masses d'eau stagnantes. La prolongation de ces projets permettra d'accroître nos connaissances sur ce sujet. L'utilisation d'une petite partie du budget prévu pour l'évaluation de ce projet pourrait finalement permettre de définir des mesures de meilleure qualité et probablement moins onéreuses.


Conclusion

Une meilleure adéquation entre objectifs et mesures et une utilisation plus judicieuse du budget nous rapprocheraient de nos objectifs DCE et garantiraient l'absence de résultats décevants, ce qui nous permettrait de faire meilleure figure à 'Bruxelles'. Nous pourrions en effet dépenser le budget fixé et couvrir autant que possible les éventuelles lacunes au niveau de nos objectifs. Nous pourrions en outre inspirer un changement de comportement au sein des organismes chargés de la gestion de l'eau ainsi que parmi les exploitants de terres, et faire autre chose que reconvertir des mesures déjà prévues. Prendre une petite partie du budget consacré à la mise en oeuvre de mesures qui s'avèrent aujourd'hui inefficaces et la consacrer au développement de connaissances sur le système pourrait permettre de définir des mesures plus efficaces, et peut-être même plus abordables.


1Ambient (2012). Business case VVS. Een kwantitatieve beschrijving van de kosten en baten van het Volg- en Stuursysteem. Pour le compte de la STOWA.
2Knoben R., N. Evers, J. Jansen en W. Ligtvoet (2008). Kunstmatig neuraal netwerk ingezet voor Ex ante evaluatie Kaderrichtlijn Water. H2O n° 16.
3Planbureau voor de Leefomgeving (2008). Kwaliteit voor later. Ex ante-evaluatie KRW.
4Evers N., R. Gylstra, T. Ruigrok et T. Schomaker (2011). Regionale toepassing rekeninstrument EEE2 geeft beter overzicht van effecten KRW-maatregelen. H2O n° 23.
5 Van der Wal B. et T. van der Wijngaart (2012). Ook STOWA zet tandje bij in Europees waterkwaliteitsbeheer.
H2O n° 8.




Ronald Gylstra (Waterschap Rivierenland)
Niels Evers (Royal HaskoningDHV)
Bas van der Wal (STOWA)
Ruben van Kessel (Waterschap Vallei en Eem)

Les auteurs parlent à titre personnel.

Source: Traduction du texte néerlandais paru dans la revue spécialisée en distribution et gestion de l'eau aux Pays-Bas 'H2O n° 17-2012'.


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