Les Bas-Prés à Comines:
transport contre patrimoine naturel

Depuis quelques années déjà, Escaut sans Frontières publie régulièrement des articles sur la problématique de la zone des Bas-Prés, à Comines. Plusieurs 'Rencontres Fluviales' transfrontalières, en collaboration avec les associations locales Environnement et Développement Alternatif (EDA) et Eco-Vie, ont régulièrement contribué à évoquer l'importance et la richesse de la zone humide patrimoniale des Bas-Près de Comines Belgique (2005-2006-2009) menacée par l'élargissement de la LYS. Il n'est pas question de s'opposer à la montée en puissance d'une voie d'eau essentielle pour assurer le passage de péniches à grand gabarit dans le cadre de la liaison Seine-Escaut. Il s'agit simplement de limiter l'emprise d'un chantier important qui pourrait anéantir une biodiversité exceptionnelle le long de la rivière.

De nombreuses actions/informations ont par ailleurs eu lieu sur le site en présence d'élus, de représentants de l'Agence de l'Eau, Voies Navigables de France ainsi que des animations grand public et surtout pédagogiques avec le soutien d'animateurs spécialisés. Un relevé floristique a été réalisé en 2006, complété en 2007, grâce au soutien financier du Conseil Général du Nord obtenu suite aux arguments développés par l'association EDA.

Les Bas-Prés, havre de biodiversité

Sur une vingtaine d'hectares, la zone des Bas-Prés, située le long de la Lys transfrontalière dans la région de Comines, a conservé un caractère naturel de zone inondable et de prairies basses, très peu, voire jamais troublé par les activités humaines. Une faune et une flore remarquables ont trouvé refuge dans ces prés humides où quelques traces de la vallée préhistorique sont encore visibles.
Ce site, aux grandes qualités paysagères, se trouve à proximité de deux réserves naturelles: les réserves naturelles et ornithologiques de Ploegsteert et de Warneton.

Deux projets menacent le site

La zone des Bas-Prés fait l'objet de deux projets urbanistiques de grande envergure: d'une part, des travaux d'aménagement de la Lys, et d'autre part, la construction d'une voie rapide qui longerait le futur tracé du cours d'eau.

Les travaux envisagés d'aménagement du cours d'eau s'inscrivent dans le projet européen de liaison fluviale Seine-Escaut, futur axe majeur de transports de marchandises. Cette liaison doit permettre la jonction entre le réseau à grand gabarit de la France (Paris) et celui de la Belgique et des Pays-Bas. Des retombées environnementales positives sont attendues de ce développement du transport par voie d'eau en raison de ses faibles émissions de pollution et de consommation d'énergie par rapport à d'autres modes de transport.
À Comines, il est en effet prévu de procéder à un élargissement et un recalibrage de la Lys afin de permettre la navigation d'unités de 1.350 tonnes.

Les associations locales EDA et Eco-Vie sont favorables au développement du transport fluvial mais en appellent à l'ingéniosité des techniciens pour réaliser des travaux d'élargissement qui ne détruisent pas un patrimoine remarquable séculaire et qui reste précieux encore aujourd'hui.

En 2008 elles se sont mobilisées pour contester la présentation du projet présenté en mairie de Comines Belgique: un seul tracé au beau milieu de la zone avec dépôts des terres sur la zone humide en vue de constituer un socle pour une route ! La construction de cette voie rapide devrait longer la rivière aménagée et relier deux zonings industriels permettant ainsi de désengorger la route existante qui traverse les villes voisines. Ce dossier a été d'autant plus décrié qu'il ne tenait absolument pas compte des nombreux arguments proposant des solutions alternatives ménageant la zone humide et préconisant notamment l'élargissement de la Lys actuelle.

Pourquoi défendre cette zone ?

  1. En cas de pluies excessives, elle constitue un bassin d'orage gratuit d'une capacité inégalable car pouvant accueillir jusqu'à 200 000m³ d'eau. Les coûts évités (construction d'un ouvrage d'une telle capacité et dégâts suite à des inondations potentielles) sont inestimables.
    Tout habitant de Comines connaît l'importance de cette réserve ! En Juillet 2005 les inondations ont été importantes mais sans conséquences puisque les habitations belges sont à l'extrémité de la zone et protégées par un talus 'historique' constitué depuis plusieurs siècles par l'envasement progressif de marais, la zone plus proche de la Lys s'étant peu à peu relevée du fait des curages successifs de la rivière pour la navigation. C'était déjà aux 10 et 11ème siècle un axe de transport fluvial important pour 'nourrir' à partir des riches terres à blé, les villes d'Ypres, Gand, Brugge...


  2. C'est une station d'épuration naturelle, pas seulement pour les eaux pluviales mais surtout pour épurer les nappes phréatiques qui affleurent et qui sont polluées par les nitrates agricoles et les rejets urbains.

  3. C'est une zone pédagogique unique : plus de 2500 élèves sont présents à 500 mètres de la zone humide : de nombreuses animations ont eu lieu pour valoriser le rôle de corridor biologique, terre d'accueil d'oiseaux migrateurs et bien sûr lieux particulièrement riches en biodiversité floristique et faunistique.
Protéger cette zone c'est :
  • être en conformité avec les objectifs de la convention RAMSAR adoptée par de nombreux Etats le 2 février 1971 pour protéger les zones humides considérées 'd'importance internationale pour la protection des habitats des oiseaux d'eau'. Entrée en vigueur en 1975 c'est plus de 1755 sites qui étaient répertoriés en 2009, année au cours de laquelle la secrétaire d'Etat à l'écologie en France constituait un groupe pour élaborer une stratégie nationale de protection des zones humides. Chaque 2 février est d'ailleurs devenu Journée Mondiale des Zones Humides.

  • respecter aussi les objectifs de la Directive Cadre Européenne EAU stipulant de protéger les zones humides existantes, voire même d'en recréer partout où cela est possible! Il serait désastreux de condamner une zone aussi remarquable que celle des Bas-Près alors que des alternatives existent.
Où en est-on aujourd'hui ?

L'association Environnement et Développement Alternatif (EDA) est intervenue dans le cadre de l'enquête publique se terminant le 11 juin 2011 pour exprimer son soutien à un élargissement de la Lys pour permettre le transport fluvial grand gabarit mais respectant au mieux la plus grande partie de la zone humide.

Elle a aussi fait état de sa participation à la Commission Locale de l'Eau dans le cadre du Schéma d'Aménagement et de Gestion des Eaux Marque/Deûle. Sa proposition d'accueillir un membre 'transfrontalier' a été entendue notamment au sein de la commission 2 dédiée plus particulièrement aux zones humides : 'reconquête et mise en valeur des milieux naturels' occasion de mettre en avant les règlements actuellement en vigueur, favorables à la préservation de la zone notamment.

EDA continue à suivre de près le dossier et a d'ailleurs été contactée récemment par un cabinet d'expertise chargé de préparer la prochaine enquête publique. Elle a été amenée à développer ses arguments à savoir 'comment concilier enjeux de transport fluvial du 21ème siècle et préservation d'une identité patrimoniale aussi unique que celle des Bas-Près'.

Les ingénieurs ont envisagé de nouvelles propositions, notamment l'élargissement de la Lys actuelle. Inutile de dire qu'EDA a été favorablement conquis et attend avec confiance les nouvelles alternatives. Nous savons pouvoir compter sur l'intelligence collective : le souhait de l'ensemble des riverains et acteurs locaux est qu'un compromis alliant les deux contraintes soit trouvé : le développement du transport fluvial et le maintien d'une zone humide 'indispensable'.

Normalement il y aura encore une enquête publique durant l'année 2012, à moins que le nouveau gouvernement français ne décide de revoir les conditions de la faisabilité du projet 'Liaison Seine-Escaut'. Beaucoup de questions restent encore posées : qui finance et à quelle hauteur ? Toutes les précautions écologiques ont-elles été envisagées? L'objectif est-il simplement de réduire les rejets de CO2 liés aux transports de marchandises? A qui profitera-t'il ?

Du 26 au 31 août 2011, BiPS a organisé 'Biodiversidays', un événement ambitieux qui a réuni durant pas moins de six jours des personnes travaillant sur la thème de la biodiversité. Lors de ce prestigieux événement, un bateau a effectué en six étapes une boucle de canaux à l'intérieur de l'Eurométropole (= collaboration transfrontalière entre trois régions: la Flandre, la Wallonie et le Nord de la France). C'est dans ce cadre qu'a eu lieu les 11ème rencontres fluviales transfrontalières dédiées à la zone des Bas-Près de Comines.

Pour le programme de BIPS 2012, cliquez ici.



Voir aussi les articles précédents (N° 33, 36, 42, 47).


Escaut sans Frontières, en collaboration avec Anita Villers,
présidente de l'association EDA et Philippe Mouton d'Eco-Vie



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