ESF Info 54-55
 


Quelques concepts pour mieux comprendre les inondations


QUELLES SONT LES CAUSES DE CES INONDATIONS?


Trop de pluie dans un court laps de temps et trop longue période de pluie

Les inondations se produisent généralement lorsque trop de précipitations tombent sur un bref laps de temps. Ce fut le cas lors du fameux week-end de novembre 2010. Mais les fortes pluies sont insuffisantes pour provoquer des inondations majeures. La pluviométrie n’était pas si exceptionnelle - même en automne - et cela se produit tous les 5 à 25 ans. Ce qui a également joué un rôle dans ces inondations, c’est la période qui a précédé. Il a longuement et beaucoup plu les semaines précédant les inondations. Les sols étaient saturés en eau. La plupart de l’eau qui est donc encore tombée ne pouvait plus pénétrer dans les sols et a ruisselé rapidement vers les zones situées en contrebas.


Changement climatique

Le changement climatique est maintenant reconnu, mais nous ne savons pas clairement quelles sont les conséquences précises qui en résultent. Ce que nous pouvons affirmer, c’est que nos hivers seront encore plus humides et que nous aurons plus de périodes de précipitations extrêmes. La période de pluie en novembre est un signal nous avertissant qu’à l’avenir, nous allons être confrontés à une plus grande quantité d’eau. Si nous ne nous préparons pas, les inondations seront inévitables. A l’opposé nous aurons également des périodes estivales avec des sécheresses persistantes qui causeront alors des pénuries d’eau.

Ces changements climatiques ne jouent pas un rôle majeur sur les inondations par rapport à d’autres phénomènes tels que l’urbanisation ou la gestion des terres agricoles, mais ils doivent être pris en compte dans le dimensionnement des aménagements à réaliser.


Marées

Les inondations de novembre 2010 et janvier 2011 n’étaient pas dues à des inondations venant de la mer, mais cela ne signifie pas que la mer ne joue pas de rôle sur ces inondations. La capacité d’évacuation des cours d’eau dépend en effet des conditions en aval. Des marées hautes peuvent entraver l’évacuation des eaux dans les estuaires, de sorte que les rivières débordent en amont. En novembre 2010 nous n’avons heureusement pas eu affaire à une marée de vives-eaux, évitant ainsi des problèmes plus conséquents.


L’eau n’est pas retenue - un cycle abrégé

Les activités agricoles ont joué un rôle important dans les inondations de novembre. Les récoltes venaient juste de rentrer et les sols étaient nus et compactés (par l’utilisation de machinerie lourde). Le peu d’eau, qui en temps normal aurait pu s’infiltrer dans le sol, n’a pas été retenu par les cultures et n’a pas pu passer la couche superficielle du sol. Dans ce cas, la litière (ou l’absence de litière) a contribué à l’aggravation des inondations.

L’eau ne tombe pas uniquement, surtout en Belgique, sur les terres agricoles. La Belgique est de plus en plus urbanisée et imperméabilisée. L’eau ne peut pas s’infiltrer sur un sol imperméabilisé. Si la pluie n’est pas retenue artificiellement, elle cherche son chemin vers le cours d’eau, le canal ou les égouts les plus proches au lieu de s’infiltrer dans les sols et alimenter la nappe phréatique. De plus, beaucoup de cours d’eau sinueux ont été rectifiés artificiellement, des systèmes d’égouts inadéquats ont été construits et une grande partie des plaines inondables naturelles des cours d’eau a été urbanisée. L’eau s’écoule donc beaucoup plus rapidement que dans un environnement naturel idéal et dispose de moins d’espace tout au long de son trajet vers la mer.

En fait notre propre attitude depuis des années est à la base de beaucoup d’inondations : une politique permissive d’aménagement du territoire dans les zones inondables, une gestion de l’eau centrée pendant longtemps vers un écoulement rapide vers l’aval et une minimisation de ce rôle essentiel des cours d’eau au profit d’autres fonctions plus ‘rentables’ ont contribué à favoriser les phénomènes que nous rencontrons aujourd’hui.


Entretien défectueux, infrastructures obsolètes et pouvoirs dispersés

L’ensemble des réseaux d’égouts, des canaux, des ruisseaux et des cours d’eau est très vaste. Ce n’est pas évident d’un point de vue pratique et financier de maintenir l’entièreté de ce réseau en parfait état et des priorités doivent être définies. Les défauts techniques, les infrastructures obsolètes et l’entretien insuffisant des cours d’eau sont difficiles à éviter. Le suivi difficile n’est pas seulement dû à la longueur totale ou la taille du réseau, mais aussi aux pouvoirs fragmentés des gestionnaires des cours d’eau. Les cours d’eau s’écoulent à travers les frontières régionales, provinciales, communales et linguistiques, mais les compétences des gestionnaires des cours d’eau sont souvent limitées par des frontières purement administratives. Il est donc difficile de réaliser un plan d’action global à l’échelle du bassin versant. Une gestion des inondations au niveau local risque de seulement repousser le problème vers la partie aval du bassin.




LES SOLUTIONS

Retenir, stocker et évacuer

Ce concept constitue le fondement d’une bonne gestion de l’eau. Le principe retenir vise à s’assurer que les précipitations ne sont pas transférées en aval. Le problème des inondations doit se résoudre en premier lieu à la source, donc là où la pluie tombe sur le sol, afin qu’elle puisse s’infiltrer dans le sol. Préserver la litière des terres agricoles par le choix des cultures, créer des nouveaux aménagements permettant la perméabilité de l’eau, lutter contre l’érosion... sont quelques-unes des actions possibles. L’eau qui s’infiltre permet aussi de remplir la nappe phréatique, ce qui préviendra d’éventuelles sécheresses.

Dans un deuxième temps il faut se concentrer sur le stockage : la protection du lit majeur de la rivière pour lui permettre de déborder et la création de zones d’immersion temporaire, naturelles ou artificielles. Les marges doivent être suffisantes pour faire face aux changements climatiques.

Il faut également prévoir l’évacuation retardée des eaux excédentaires par la restauration de méandres naturels, la création de constructions qui permettent un débit d’évacuation réglable, le dragage des cours d’eau et l’optimalisation des ouvrages d’arts (écluses, barrages, déversoirs, …)

Jusqu’à 90% de nos pluies tombent sur la terre ferme. Une gestion efficace de l’eau commence donc sur la terre. Nous avons partiellement en main le degré dans lequel les inondations vont affecter notre société : au plus nous urbanisons et ‘solidifions‘, au moins nous avons de possibilités d’absorber ces risques d’inondations croissants avec souplesse.



Une meilleure urbanisation

L’aménagement du territoire doit être pensé différemment. Il doit être plus axé sur des principes tels que la préservation des espaces ouverts et la mutation des centres urbains en espaces innovants où l’eau peut ressortir des tuyaux où elle a été enfermée.


Politiques coordonnées et approfondissement de la réforme de la gestion de l’eau

La gestion de l’eau doit être plus intégrée et transfrontalière. Les frontières administratives ne doivent plus former un obstacle dans la recherche de solutions contre les inondations. La fragmentation des pouvoirs, entre autre en fonction de la catégorisation des cours, ne peut plus bloquer la prise de mesures.

Les différents gestionnaires de l’eau devraient avoir une politique coordonnée, tant en termes de gestion générale des cours d’eau, qu’en terme d’approche et de coordination pendant les phases d’alarmes et les moments de crises.

Le support de la gestion de l’eau peut également être amélioré. Il y a beaucoup de bons instruments disponibles dans la lutte contre les inondations, mais les analyses après ce week-end dramatique ont montré qu’il y a encore beaucoup de travail à faire. Les moyens pour prédire les inondations existent, mais ils doivent être mieux coordonnés au niveau interrégional. Nous disposons également d’un large cadre juridique pour les mesures autour de la gestion de l’eau (règlements, évaluation de l’eau, fond Rubicon, plan ‘PLUIES’…) mais ils ne sont pas toujours efficaces. Les procédures durent trop longtemps, les directives sont difficilement exécutables, les instruments sont compliqués à gérer, etc. Une optimalisation de ces outils contribuera surement à l’avenir à diminuer les problèmes d’inondations.


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